samedi Kim Dotcom a lancé son nouveau service de partage de fichiers. Décryptage des différences et des points communs avec le prédécesseur Megaupload.
En voyant la présentation en grande pompe du nouveau service Mega, on se dit que le FBI a vraiment raté son coup il y a un an. L'assaut de la résidence de Kim Dotcom et la fermeture hors de tout cadre juridique du site Megaupload par les autorités américaines, en collaboration avec la Nouvelle-Zélande, n'ont pas mis un coup d'arrêt au piratage. Loin de là. Le sulfureux homme d'affaires, libre, a lancé une plate-forme beaucoup plus puissante et, finalement, plus menaçante pour les ayants droit.
Son service Mega s'appuie désormais sur un modèle classique, comparable à celui de Dropbox, Skydrive ou encore Google Drive, des concurrents qui seraient déjà dépassés par le nouveau venu. L'utilisateur peut stocker des fichiers en ligne et partager un lien direct permettant à n'importe qui de les télécharger depuis n'importe quel terminal connecté. La différence majeure avec les autres services ? Le chiffrement, ou cryptage pour les anglophiles. Tous les fichiers sont chiffrés avec une clé, différente à chaque envoi, et largement plus puissante que celle qui protège nos réseaux Wi-Fi, par exemple. Ainsi, pour partager un fichier, l'internaute doit diffuser non seulement le lien, mais aussi la clé publique de déchiffrement, que ce soit uniquement auprès de ses contacts ou de façon totalement publique.
Blindage juridique
L'objectif ? Se forger un véritable blindage juridique. Avec ce système, Mega ne peut être tenu pour responsable des fichiers partagés par ses utilisateurs, puisque même le site n'a pas accès aux clés de chiffrement, qui sont générées directement par l'ordinateur de l'internaute. Impossible, sans un travail de cryptographie avancé, de savoir ce que contiennent réellement les fichiers sans en avoir la clé. Toutefois, Mega prévoit de transmettre à la justice les données personnelles des utilisateurs qui seraient pris en flagrant délit de piratage, que ce soit pour la diffusion ou pour le téléchargement d'oeuvres protégées. Conséquence de ce modèle chiffré : il est désormais impossible de visionner des vidéos en streaming (directement dans le navigateur, sans téléchargement complet du fichier), comme le proposait feu Megaupload. C'est tout un pan de l'ancien site qui s'écroule, du moins pour l'instant.
En effet, d'autres services devraient suivre le lancement de Mega. Megabox et Megamovie seront des sites de streaming dédiés respectivement à la musique et aux vidéos, dont les séries, les films ou les documentaires. Kim Dotcom promet un système de financement jamais vu : le détournement de publicité. En effet, les internautes devront accepter d'installer le logiciel Megakey pour consulter gratuitement et légalement les oeuvres. Cet outil machiavélique remplacera automatiquement les publicités des sites visités par l'utilisateur par celles de la régie Megaclick. Tout comme Free qui avait bloqué (mais pas remplacé !) les publicités durant quelques dizaines d'heures, Mega pourrait tuer certains sites qui ne vivent que de leurs revenus publicitaires. En revanche, du côté des artistes, la formule pourrait être intéressante puisqu'une forte part des bénéfices leur sera reversée et qu'ils pourront vendre leurs oeuvres (en téléchargement définitif, et non pas en streaming) à des conditions avantageuses.
Vers une guerre du trafic ?
La Nouvelle-Zélande, dont l'extension .co.nz est utilisée par le nouveau site, profite d'une publicité qu'elle ne souhaitait peut-être pas. En trois jours, Mega.co.nz est devenu le plus gros site néo-zélandais du monde ! Du côté des statistiques, Mega aurait largement dépassé le million d'utilisateurs durant son premier jour d'ouverture, alors que Kim Dotcom se félicite que soixante fichiers soient déposés chaque seconde sur son service. Les infrastructures, qui n'ont pas tenu le choc, sont en cours de renforcement, toujours selon le créateur du site, qui espère un retour à la normale très rapide.
Si Mega a autant de succès que le laissent penser les tweets d'auto-congratulation de Kim Dotcom, il est possible que le modèle des échanges de données sur Internet soit de nouveau mis à mal. Les accords entre opérateurs reposent en effet sur une réciprocité du trafic. Or, Mega enverra mécaniquement beaucoup plus de trafic qu'il en recevra et son prestataire se trouvera en déséquilibre avec ses partenaires et concurrents. Tout comme Orange avait exigé que Cogent, fournisseur de transit de Megaupload à l'époque, paie les frais d'interconnexion, il se pourrait que les prestataires de Mega soient rapidement en conflit avec les autres opérateurs mondiaux. Une guerre du trafic se profile, et l'arrivée d'un acteur aussi gigantesque que Mega pourrait bien jouer le rôle de catalyseur.